« Nous changeons notre vocable, notre lunette et notre façon de travailler pour une approche qui est centrée sur la bienveillance, puisque plusieurs jeunes hébergés sont aux prises avec un trauma. » Ce sont dans ces mots que Nancy Roussel, coordonnatrice du campus de réadaptation jeunesse de Saint-Hyacinthe, présente avec enthousiasme l’approche sensible aux traumas complexes, comme elle en a piloté l’implantation dans toutes les installations de réadaptation jeunesse de la Montérégie dans la dernière année.
« Lorsqu’un jeune présente certains comportements, travailler dans une approche sensible aux traumas nous amène à nous questionner différemment. En effet, plutôt que de se demander ce qu’un jeune a encore fait, nous changeons notre lunette en nous demandant plutôt ” Qu’est-ce que le jeune a bien pu vivre pour agir ainsi? Qu’est-ce que ça signifie? Comment pouvons-nous faire autrement? “, considérant que certaines mesures peuvent raviver des traumas chez les jeunes », explique Nancy Roussel, ajoutant que cette façon de faire amène une certaine introspection de l’intervention afin que les intervenant(e)s s’interrogent sur ce que susciteront leurs actions chez un jeune qui traîne bien souvent un lourd passé. Pour elle, il s’agit aussi d’un travail d’équipe où tous portent, ensemble, les interventions à effectuer auprès d’un jeune et de sa famille.
Pour Nadine Gallant, directrice adjointe du programme jeunesse, volet hébergement, cette approche permet à toutes les professionnelles et tous les professionnels impliqués auprès d’un jeune d’adopter un langage commun. « Il ne s’agit pas juste d’appliquer une approche. C’est toute la lecture d’une situation et la façon de superviser les équipes qui changent. À travers l’approche, on prend aussi soin des éducateur(-trice)s ainsi que les donneuses et donneurs de soins pour qu’ils puissent à leur tour bien prendre soin des enfants. »
En Montérégie, l’approche sensible aux traumas complexes a d’abord été déployée au campus de réadaptation jeunesse de Longueuil en projet pilote au printemps 2022, pour ensuite être déployée dans les campus de Chambly, de Valleyfield et de Saint-Hyacinthe. Depuis juin, toutes les équipes en réadaptation jeunesse ont été formées sur l’approche et le nouveau personnel le sera lors de leur intégration. Des rencontres de communauté de pratique se tiennent aussi trois à quatre fois par année afin que les intervenant(e)s puissent échanger et s’enrichir de l’expérience des autres. Les équipes bénéficient en plus du soutien de Delphine Collin-Vézina, chercheuse et directrice du Centre de recherche sur l’enfance et la famille de l’Université McGill, qui anime certaines communautés et qui rend disponibles plusieurs outils émanant du Consortium Canadien sur le trauma.
L’implantation d’une approche sensible aux traumas complexes dans les unités d’hébergement jeunesse découle notamment des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (Commission Laurent).
« Le système de protection doit être revu et amélioré afin que le passage en centre jeunesse soit davantage vécu par ces enfants comme celui d’une guérison vers un tremplin pour un avenir meilleur, plutôt qu’un système qui ne les a pas vus et entendus dans leurs besoins les plus fondamentaux. » – Delphine Collin-Vézina, chercheuse et directrice du Centre de recherche sur l’enfance et la famille de l’Université McGill (Rapport de la Commission Laurent sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, p. 244)